Corridor sanitaire: plus d'espace pour les piétons
By Christine Kerrigan
Il est ironique que j'étais en train d’écrire un poème sur les clôtures, les frontières et les barrières en tant que source à la fois de protection et de division, au moment même où des clôtures métalliques étaient en cours d’installation pour créer le "Corridor sanitaire" sur l'avenue du Mont-Royal dans mon quartier. Bizarrement, c'est une barrière que je soutiens volontiers!
Le «Corridor sanitaire» est un projet pilote à Montréal, qui est mis en place lors de la pandémie COVID-19 dans le quartier du Plateau-Mont-Royal. Le stationnement d'un côté de la rue a été supprimé pour offrir aux piétons plus d'espace pour maintenir une distance sociale de 2 mètres. Puisque j'ai grandi aux États-Unis avec un régime de pouces, et de pieds, je ne suis pas encore complètement habituée au système métrique. J'aime bien imaginer cet espace d'une manière qui transcende les frontières internationales : c'est à peu près trois fois la distance de ce que j'appelle la "zone d’exclusion aérienne due à l'ail". Étant donné que le quartier du Plateau est le quartier le plus dense sur l'île de Montréal (et que mes voisins du quartier aiment bien cuisiner avec de généreuses quantités d'ail), c'est l'endroit idéal pour que ce projet pilote prenne forme.
Le nouveau "Corridor sanitaire" a une longueur de 2,7 km et une largeur d'environ 4,5 mètres, y compris le trottoir et la chaussée.
Hors de la crise, une promenade sur l'avenue Mont-Royal vous amènerait à flâner devant un éventail d'activités commerciales et résidentielles : petits magasins locaux (boulangerie Copain d'Abord, on vous aime!), restaurants, friperies, boutique de vêtements, librairies, petites et moyennes épiceries, magasins d'aliments naturels, pharmacies, studios de danse, coiffeurs …enfin bref, vous comprenez l'idée. La plupart de ces établissements sont maintenant fermés à l'exception des commerces jugés «essentiels» comme les épiceries, les pharmacies et la SAQ (magasin d'alcool). Attendez, la SAQ? J'y ai d'abord regardé à deux fois lorsque j'ai découvert que la SAQ avait été choisie comme "essentielle". Cependant, la SAQ appartient à l'État et les ventes de vins, bières et spiritueux font pencher la balance dans une direction bien nécessaire pour le gouvernement du Québec à ce moment crucial. Donc, très bien, j'accepte. En fait, je ressens de l'empathie et de la gratitude envers les personnes qui font actuellement de leur mieux pour gérer cette crise aux niveaux municipal, provincial et fédéral. Cette pandémie a frappé vite et fort, et il y a tellement d'aspects en mouvement. En réalité, c'est cette énergie de mouvement qui m'a amenée à vouloir écrire sur la mobilité et la santé pendant la pandémie.
J'ai visité le «Corridor sanitaire» plusieurs fois pour observer si les piétons utilisaient cet espace supplémentaire et de quelles façons. Et j’en ai conclu qu’il est indubitable qu’ils l'utilisent! Il y a plusieurs trottoirs où il serait presque impossible de respecter la distance sociale sans marcher dans la rue. C'est particulièrement le cas pour les longues files d'attente devant les épiceries, les pharmacies et la SAQ. Le corridor offre également un espace aux personnes qui s'isolent ensemble pour marcher ensemble, comme les familles avec enfants, les couples et les personnes avec des chiens (ou des chiens avec des personnes).
N'oublions pas non plus que ce n'est pas évident à faire des détours et des virages rapides pour éviter les piétons dans les espaces restreints si l'on est en fauteuil roulant, utilise une marchette ou fait rouler une poussette. Avoir plus d'espace pour garder une distance de sécurité n'est pas seulement un cadeau pour ceux qui balancent des bras avec enthousiasme quand ils marchent, mais plutôt une nécessité à une époque où la proximité peut être fatale. C'est également une étape importante pour offrir une option de mobilité active plus inclusive et pas seulement pour ceux qui peuvent marcher ou courir sur deux pieds.
Ce n'est clairement pas la première fois que de l'espace est retiré aux voitures et rendu aux piétons dans l'espoir de créer des environnements urbains plus sains. Au cours des dernières décennies, nous avons vu apparaître de nombreux projets dans le monde entier où les villes ont créé plus d'espace pour que les piétons puissent courir, marcher et rouler. Ces projets vont de
nouvelles zones piétonnes à la fermeture temporaire de routes pour célébrer le transport actif, en passant par de nouveaux espaces pour les pistes cyclables protégées et des aménagements de parking (pensez à l'événement Parking Day, aux "parklets" de San Francisco et de nombreuses villes, le centre-ville à Gand, "Superblocks" à Barcelone, etc.). Cela dit, nous savons que nous ne vivons pas actuellement en temps ordinaire et il est certainement plus facile de supprimer le stationnement lorsque la circulation automobile est déjà considérablement réduite et que la grande majorité des commerces de la rue sont fermés.
Le nouveau «Corridor sanitaire» de Montréal ne remportera pas de prix de design pour son esthétique, mais ça va, parce que ça fait l'affaire. Dans un climat qui nécessite une réponse rapide et durant lequel les budgets sont serrés, on ne peut pas toujours demander un mur végétal de 2,7 km construit à partir de magnifiques plantes et arbres locaux. Néanmoins, nous devrions investiguer quelles données peuvent être collectées pendant cette période, obtenir les commentaires des citoyens et réfléchir à ce que nous pouvons apprendre de cette expérience. Personne ne veut penser à une éventuelle nouvelle pandémie, mais nous devons tout de même être préparés. En outre, plus nous partageons les résultats de nos projets pilotes entre différents quartiers et villes, plus nous augmentons nos chances d’améliorer notre sécurité et notre santé collective. J'espère que d'autres villes envisageront également la mise en place de "Corridors sanitaires" pour assurer la sécurité de leurs citoyens et aider à ralentir la propagation du virus COVID-19. C'est là ma motivation à écrire cet article. Enfin, ça et une bonne dose de fierté pour mon quartier et ma ville adoptive de Montréal.