Le spectacle doit continuer!
By Christine Kerrigan
Avec autant de communes en confinement en raison de la pandémie COVID-19, les artistes en tous genres ressentent le poids émotionnel et financier de l’impossibilité de se produire dans des festivals, des événements, des lieux, des tournées et des scènes à travers le monde. Imaginez ce que cela signifie pour une ville comme Montréal, haut lieu des arts, de la musique, de la danse et des festivals culturels, sans oublier le berceau du Cirque du Soleil, le Festival de Jazz, le Ballet Jazz de Montréal, les 7 Doigts de la Main et le Cirque Éloize (pour n'en nommer que quelques-uns). Mon cœur a tressailli en mars lorsque j’ai lu que 95% des artistes, créateurs et employés du Cirque du Soleil ne retourneraient pas travailler la semaine suivante, en raison de l’annulation de leurs productions et performances à cause de la pandémie. Plusieurs musiciens et interprètes ont également dû annuler des performances en direct et des productions qui étaient en préparation depuis de nombreux mois, voire des années.
Les spectateurs avec un appétit insatiable pour la musique, la danse et les performances artistiques ont également soif de revoir les artistes dans les lieux publics et salles de spectacle en direct. Un Montréal sans ses industries créatives battant leur plein, c'est un peu comme du popcorn sans sel ni beurre – ça se mange, mais ça manque de saveur. Les industries culturelles et créatives donnent à Montréal son « je ne sais quoi » et sont des ingrédients clés dans la sauce spéciale qui rend Montréal...enfin, Montréal, quoi.
Je n'écris pas cet article pour mettre en lumière le fameux duo célèbre de Monsieur Doom et Madame Gloom. Non, au contraire ! De l'adversité et des obstacles naissent également la créativité et l'innovation. Et à ce propos, j'ai voulu mettre en avant un projet artistique qui tourne (littéralement) autour du concept de duo. Le projet, intitulé Duo, est une installation artistique, que j'ai adorée pour son intégrité artistique et son utilisation innovante de la technologie. En fait, ce sont les projets comme ceux-là qui me rendent fière de la communauté artistique et créative de notre métropole québécoise.
Duo est une œuvre multidisciplinaire qui a vu le jour grâce à la collaboration de la chorégraphe Virginie Brunelle, de 2 danseurs (Sophie Breton et Milan Panet-Gigon), du studio de création multimédia Hub Studio et des musiciens Dear Criminals. Le projet a été créé à la suite d'une initiative menée par la Ville de Montréal afin de valoriser l'espace public et de promouvoir le transport actif pendant la pandémie COVID-19.
La Ville de Montréal avait lancé un appel à projets le 25 juin 2020, invitant les professionnels des communautés culturelles et des industries créatives numériques à unir leurs forces et à soumettre des propositions pour la création et le déploiement d'installations temporaires dans ou à proximité des Voies actives sécuritaires de la ville (VAS). Le VAS est un réseau de pistes cyclables, de couloirs piétonniers et de rues piétonnes qui se frayent un chemin à travers plusieurs quartiers. Ces circuits de transport actif ont été conçus pour permettre aux piétons et aux cyclistes de se rendre dans les parcs, les écoles, les services essentiels et les commerces tout en respectant les règlements de santé publique et les mesures de distanciation sociale. L'ensemble du réseau relie les grands parcs, les rues commerciales, les zones commerciales, les zones culturelles et les zones résidentielles.
Les projets retenus pour l'appel à propositions devaient clairement démontrer un partenariat entre les entreprises de création numérique et la communauté des arts et de la culture (arts visuels, arts du spectacle, cinéma et télévision, artisanat, contenu artistique lié au patrimoine, multimédia, littérature, médiation culturelle, etc.). En outre, les projets devaient être réalisés en seulement quatre semaines. Le projet Duo faisait partie des 10 installations temporaires choisies pour être créées en août et a été déployée dans le parc du Square Sir-George-Étienne-Cartier dans l'arrondissement de Saint-Henri en octobre.
Duo a exploré les limites résultant des règles de distanciation sociale imposées lors de cette pandémie de COVID-19. La pièce illustrait la rencontre impossible entre deux danseurs contemporains qui semblaient être face à face, mais chaque interprète était piégé à l'intérieur d'un écran et dansait un solo dans sa bulle numérique respective. Deux grands écrans numériques à LED ont été placés de chaque côté d'une passerelle dans le parc, ce qui a placé le spectateur en plein milieu de l'interaction entre les deux danseurs. Un miroir a été inséré à l'intérieur des écrans numériques pour cacher certains aspects mécaniques de la technologie et pour permettre aux spectateurs de voir leur propre reflet inséré dans ce pas de deux.
« Lorsque nous avons vu l'appel à projets, nous avons pensé que c'était l'occasion idéale de continuer à permettre aux danseurs de se produire dans l'espace public. Nous avons également considéré que cette pièce nous a donné l'occasion d'utiliser la technologie pour rendre possible un duo pendant la pandémie, » a expliqué Thomas Payette, cofondateur et directeur créatif de Hub Studio. Après avoir obtenu le contrat, l'équipe créative de Hub Studio a reçu de la Ville une liste de sites possibles où le projet pourrait avoir lieu. L’équipe a passé du temps à visiter et à observer chaque site potentiel et a été rapidement convaincue que le Square Sir-George-Étienne-Cartier était l'endroit idéal. « Nous avons été attirés par le fait que le parc est situé dans un quartier très résidentiel de Montréal et non au centre-ville où l'on peut s'attendre à trouver ce type d'installation. Nous avons aussi beaucoup apprécié l'incroyable diversité et mixité de personnes qui visitent le parc parce que nous étions particulièrement intéressés à rendre accessible l'art et la danse contemporaine à un public plus large. »
Étant donné qu'une grande partie du travail de Virginie Brunelle porte sur le contact physique et la proximité, ce fut un excellent défi pour elle de créer un duo où les danseurs ne pouvaient pas se toucher ou se rapprocher physiquement. J'ai parlé avec Virginie du projet et lui ai posé une question autour de son expérience de création pour une pièce qui allait avoir lieu dans l'espace public plutôt que sur la scène d’une salle de théâtre ou de danse. « C'était enrichissant de créer une pièce qui pourrait être accessible à un public aussi large. C'était également un beau défi de travailler dans les contraintes techniques imposées par la taille et la position des deux écrans numériques. Par exemple, chaque solo devait être chorégraphié dans un espace de 5' x 6' et certains spectateurs seraient physiquement positionnés au milieu des deux danseurs. Ainsi, les spectateurs sont devenus comme un lien entre le duo. »
Le spectacle de danse durait six minutes et demie et jouait en boucle en continu de 9h à 23h tous les jours. Par conséquent, ce n'était pas tâche facile de trouver une musique qui fonctionnerait bien avec la chorégraphie, appropriée pour l'ambiance sonore du parc, accessible à un large public et agréable à écouter en boucle. Après un travail de recherche, l'équipe créative a choisi une chanson du groupe populaire local Dear Criminals. Thomas a souligné qu'il était particulièrement important pour eux de collaborer avec des artistes québécois locaux et d'utiliser une bande-son qui valoriserait l'espace public sans y nuire. Un haut-parleur était positionné au milieu de chaque écran et, par conséquent, le son était principalement contenu dans la zone entre les deux écrans et à proximité de l'installation. Un aspect intéressant à souligner est que le son et l'éclairage ont également été automatiquement ajustés en fonction de l'heure de la journée. Par exemple, la nuit, la bande-son était automatiquement mise à un niveau de décibels inférieur à celui de jour, et l'éclairage était également automatiquement ajusté pour tenir compte des conditions de lumière du jour et du soir.
Cette installation temporaire devait originellement rester dans ce parc de St. Henri jusqu’à la fin du mois d’octobre, mais suite à la réception très positive des résidents et des visiteurs, l'arrondissement a décidé de l’étendre jusqu’à la fin du mois de novembre.
Les installations artistiques ont un potentiel incroyable pour rendre l'art plus accessible à un public plus large, valoriser les espaces publics et améliorer la qualité de vie dans nos quartiers et nos villes. De plus, l'installation de projets créatifs dans les quartiers incite les gens à passer plus de temps à découvrir leurs propres quartiers et encourage l'interaction entre les
résidents. Cela incite également les gens d'autres quartiers à découvrir de nouveaux quartiers.
Le projet Duo illustre qu'une pincée de collaboration multidisciplinaire et une cuillerée de technologie innovante sont des ingrédients puissants dans nos expérimentations de diverses recettes pour améliorer nos environnements urbains.
Crédits:
Directeur créatif: Thomas Payette (HUB Studio)
Choréographe: Virginie Brunelle (Compagnie Virginie Brunelle)
Danseuses: Sophie Breton and Milan Panet-Gigon
Scénographe: Xavier Mary (HUB Studio)
Directeur et concepteur multimédia: Antonin Gougeon Moisan (HUB Studio) Directeur technique: Jean-François Piché
Direction du contenu visuel: HUB Studio
Musique: Dear Criminals (Track: Cold Wave)
Production: HUB Studio
Construction: Gauvin Fabrique